Acceptabilité sociale : sans OUI, c’est NON
Pierre Batellier et Marie-Ève Maillé
Écosociété, 2017, 301 pages
La participation publique est un domaine des relations publiques en plein essor. L’acceptabilité sociale est devenue en quelques années un point de passage obligé pour tous les projets majeurs. Mais qu’en savons-nous vraiment ? Les auteurs nous en font découvrir la vraie nature à travers dix « fausses oppositions » qu’il et elle s’affairent à déconstruire.
Ainsi, les promoteurs aiment dépeindre les opposants comme des empêcheurs de développer et la majorité silencieuse comme nécessairement favorable à leur projet, puisqu’ils et elles n’appuient pas ouvertement les opposants. La vérité est que les opposants peuvent aussi être porteurs d’autres visions de la société et d’autres projets qui méritent aussi d’être débattus et que les silencieux peuvent être pour, ou contre, ou conditionnellement pour ou contre, ou simplement en attente d’en savoir davantage.
Les promoteurs aiment présenter leurs études comme « des faits » et les arguments des opposants — même quand ces arguments reposent sur des bases scientifiques — comme « des opinions ». Les faits sont valorisés et les opinions déconsidérées. C’est une manière pas trop subtile pour les tenants du pouvoir économique d’écarter les arguments contraires à leurs objectifs.
De même en est-il de l’opposition entre « la rigueur » et « les émotions ». Car il ne faudrait surtout pas se laisser guider par nos émotions lorsqu’il est question de développement économique, n’est-ce pas ? Pourtant, les émotions existent de manière aussi réelle que les faits révélés par les études scientifiques rigoureuses. « Prendre en considération les émotions aiderait à mieux comprendre les enjeux d’un conflit et les besoins des différents groupes impliqués, ce qui permet de mieux discerner les possibles terrains d’entente et, dimension non négligeable, aide à construire la confiance entre les parties »,
Un grand constant et une grande question émergent au terme de cette déconstruction savante des idées fausses et biaisées qui constituent trop souvent l’unique lorgnette par laquelle le public se fait une idée de ce qu’est l’acceptabilité sociale.
Le constat : la plupart du temps, le gouvernement prend fait et cause pour le milieu des affaires. Les considérations économiques et l’argument massue de la création d’emplois l’emportent sur tout le reste ; les démarches visant à assurer l’acceptabilité sociale des projets sont trop souvent détournées de leur but véritable et servent plutôt de passage obligé au terme duquel des projets seront approuvés sans que l’acceptabilité sociale soit véritablement au rendez-vous, malgré les apparences.
La question : « Une fois qu’on a dit tout cela, qu’est-ce qu’on fait ? » Au-delà des détournements systématiques dont elle est l’objet, l’acceptabilité sociale demeure un réel outil de progrès pour les auteurs qui proposent « trois grands chantiers, aussi ambitieux que nécessaire : celui du consentement, celui du dialogue et celui de la confiance », de la musique aux oreilles de tout relationniste qui croit en l’importance du dialogue et de la confiance comme outils de base de construction d’une vraie société.
Ce livre devrait être lu par tout. e. s les relationnistes engagé. e. s dans un projet requérant l’acceptabilité sociale. Ainsi que par leurs patrons et clients.
La politique de communication
Bernard Dagenais, avec la collaboration de Thérèse Lafleur
Presses de l’Université Laval, 2016, 281 pages
Ce livre mérite d’être lu par tous les étudiant.e.s en relations publiques et tous les praticien.ne.s ayant déjà eu à construire une politique de communication. Il traite de la politique de communication : qu’est-ce que c’est ? À quoi sert-elle ? Comment la construire ?
Je m’attendais à trouver une recension exhaustive du contenu d’une politique de communication et des outils qui y donnent vie, ainsi qu’une marche à suivre pour en assurer l’adoption et la gestion efficace et en cela, je ne fus pas déçu. Ces seuls aspects font du livre un outil efficace pour quiconque doit assumer pareil mandat. Mais il y a beaucoup plus.
Le chapitre 2 sur la mise en œuvre donne des indications précieuses sur les considérations administratives et de politique interne dont il faut tenir compte dans la genèse d’une politique de communication. Il faut l’avoir vécu — c’est mon cas — pour en comprendre l’importance.
Le chapitre 4 (énoncé des valeurs et des principes) et le chapitre 6 (les directives, regroupées selon les principes) mettent la table à une discussion approfondie et sans complaisance de sujets toujours délicats sur lesquels trop d’entreprises se contentent d’énoncés sans substance et non appuyés par des directives claires, par exemple en matière de transparence. Une lecture attentive de ces chapitres permettra à la personne responsable de l’élaboration de la politique de participer, sinon de diriger les discussions qui doivent avoir lieu avant de commettre l’entreprise à des valeurs ou à des principes, auxquels il faut ensuite donner corps et substance, sous peine de perdre sa crédibilité.
Mon expérience considérable des relations de presse et de la fonction de porte-parole me permet d’affirmer la grande pertinence de ses observations sur ces pratiques. Ici aussi, l’on trouve un mélange d’information pratique sur le « comment », complété de considérations tout aussi importantes touchant, par exemple, les qualités d’un « bon » dirigeant et la nécessité de tenir compte des égos surdimensionnés statistiquement surreprésentés à la direction de certaines organisations.
J’aime l’insistance avec laquelle Dagenais souligne la nécessité d’appuyer les principes par des directives, et sa description de la tension entre la générosité inhérente aux principes et les aspects restrictifs liés aux directives par lesquels ils sont mis en œuvre. Tout cela est très vrai et très proche de la vie en entreprise. Il affirme, avec raison et démonstration à l’appui, qu’une politique de communication n’est rien si elle n’est pas soutenue par une volonté d’ouverture sur la communauté interne comme sur les parties prenantes externes.
J’aurais aimé plus de contenu sur le suivi et l’évaluation, l’éternel point faible de la communication. Ici aussi il y aurait beaucoup à dire sur les blocages institutionnels devant ce que trop de gestionnaires perçoivent encore comme des dépenses inutiles et sur les manières d’intégrer l’évaluation à l’ensemble des opérations. Mais ne boudons pas notre plaisir, ce livre est d’une grande utilité et, ce qui ne gâte rien, il est livré avec un texte toujours simple, direct et limpide qui va à l’essentiel en évitant les fioritures distrayantes.
En 2022, qu’est-ce qui pourrait permettre aux stratèges en communication et relations publiques de mieux faire valoir leur valeur ajoutée ?
Très certainement le recours aux données.
Pourquoi une telle affirmation ?
Parce que l’époque où les spécialistes du marketing étaient les maitres absolus des données est heureusement révolue, et que l’analyse des plus pertinentes d’entre elles – au bénéfice de la gestion des communications – a fait ses preuves.
Vous avez besoin d’arguments pour vous convaincre ? En voici six qui pourraient avoir aussi un impact significatif auprès de la direction de votre organisation :
Très longtemps, le « pifomètre » – c’est la gestion par intuition – a constitué le seul outil qu’utilisaient les « relationnistes ».
Ainsi, avant que la gestion des données ne soit implantée en communication et relations publiques, les « vieux de la vieille » trouvaient pratique d’augmenter arbitrairement l’impact de ce qui semblait positif, et d’atténuer ce qui était loin de l’être…
EN ÉLIMINANT LE « PIFOMÈTRE » DANS LEURS ORGANISATIONS, LES STRATÈGES EN COMMUNICATION ET RELATIONS PUBLIQUES ONT GAGNÉ EN CRÉDIBILITÉ À LA TABLE DES DÉCISIONS.
C’est simple : les faits parlent !
Évidemment, ça prend de l’audace et une maturité professionnelle… Puisque, du jour au lendemain, collègues et patrons sont exposés aux meilleures réussites et… à des déficits de réputation à combler.
Implanter une gestion basée dorénavant sur des données portant sur les publics internes et externes nécessite du temps, un budget et, conséquemment, de nouvelles priorités.
Allez-y étape par étape.
Par exemple : en cette année de bouleversements continus dans le monde du travail, la mesure des différences facettes du télétravail et de la réputation dans les médias pourraient être priorisées.
MESURER MOINS, MESURER MIEUX.
Plus que jamais, la valeur ajoutée des stratèges en communication et relations publiques est reconnue.
Pourquoi ?
Parce qu’ils et elles sont à l’origine de changements marquants. Prenons deux exemples qui mériteraient d’être rapidement mesurés en 2022 : l’acceptabilité sociale d’un projet controversé et la marque employeur.
La nécessité d’une gestion stratégique de la présence d’une organisation et d’une marque dans les médias sociaux est maintenant établie.
Ce qui l’est moins – et qui constitue un très intéressant défi pour 2022 – c’est l’importance de distinguer deux facettes complémentaires : la consommation et la citoyenneté.
Très souvent, les gestionnaires d’organisations et de marques veulent rejoindre les mêmes personnes : tantôt leur cœur, tantôt leur porte-monnaie.
Or, il est fondamental – à partir d’une stratégie globale – de segmenter les tactiques en confiant les responsabilités à ceux et celles qui ont les meilleures expertises :
LE MARKETING VISE LES CONSOMMATEURS PENDANT QUE LA COMMUNICATION S’ADRESSE AUX CITOYENNES ET CITOYENS.
Ce sont les mêmes personnes ! Mais, on ne les rejoint pas et on ne les touche pas de la même façon.
Réglons une fois pour toutes, en 2022, une situation qui n’a aucune logique et… aucune efficacité : l’utilisation de la portée et des impressions dans l’analyse du contenu des médias.
La portée médiatique (« reach ») et les impressions proviennent de l’industrie du marketing. Elles procurent des données sur la quantité potentielle de personnes ayant été exposées à des messages « contrôlés ».
PUISQUE LA COUVERTURE MÉDIATIQUE N’EST AUCUNEMENT CONTRÔLÉE PAR LES GESTIONNAIRES DE MARQUES, IL EST INSENSÉ D’UTILISER DES DONNÉES D’UN AUTRE DOMAINE.
En effet, utiliser la portée et les impressions dans des rapports de couverture médiatique, c’est recourir à un processus d’analyse alambiqué pour tenter d’uniformiser les données provenant du domaine des communications aux façons de faire et outils du marketing.
L’une de pires conséquences, c’est de voir que des opérations de presse réalisées dans le marché québécois auraient généré 55, 82 ou 114 millions d’impressions – laissant croire à autant d’expositions à de la couverture médiatique. C’est absolument faux !
Mesure Média a toujours déploré l’utilisation des impressions, tout comme le font de grands spécialistes de l’évaluation au niveau international.
Voici ce qu’affirme Katie Paine, surnommée « The Queen of Metrics » :
“IMPRESSIONS, ESPECIALLY INFLATED ONES, ARE A TERRIBLE METRIC. FOR ONE, THEY MAKE PR PEOPLE LOOK STUPID. SECONDLY, THEY PROBABLY DON’T DO ANYTHING USEFUL. THIRD, THEY ARE MISLEADING. IF YOU NEED ONE MORE REASON: PEOPLE WILL MAKE FUN OF YOU! »
De leur côté, Andre Manning et David B. Rockland déclaraient ceci en 2011, à la suite de la publication des Principes de Barcelone :
“YOU MUST TALK THE LANGUAGE OF BUSINESS. THIS IS THE WAY TO ENSURE THAT EXECUTIVES BELIEVE THAT PUBLIC RELATIONS HAS A BUSINESS VALUE. PR MEASUREMENT HAS TO TALK THE LANGUAGE OF BUSINESS. SILLY TERMS LIKE “IMPRESSIONS”, “HITS” AND “AVES” HAVE GONE BY THE WAYSIDE”.
Tous nos clients doivent défendre la réputation de leur organisation. Ils et elles la mesurent en s’appuyant sur des données qui sont propres à leurs stratégies et tactiques, en respectant les standards de l’industrie des communications et relations publiques.
Ces gestionnaires s’appuient sur des rapports qui leur conviennent, et ce, en les arrimant aux données complémentaires provenant de leurs collègues du marketing.
AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES, LA VASTE INDUSTRIE DES COMMUNICATIONS ET DU MARKETING A VU POINDRE – ET RÉUSSIR – DES EXPERTS DANS DES NICHES. L’ANALYSE DU CONTENU MÉDIATIQUE EST L’UNE D’ELLES.
Sur ce, souhaitons-nous – malgré tout – une excellente année 2022.
La pandémie du coronavirus qui a frappé de plein fouet toutes les régions de la Terre et sollicité les professionnels de la communication dans la mobilisation des populations pour en contrer les plus grandes menaces au cours de l’année 2020, expose à grands traits le chemin qui a été parcouru dans l’exercice de leurs responsabilités depuis le début du nouveau millénaire.
Pouvoir s’y pencher aujourd’hui permet à la fois de rappeler l’installation d’expertises qui étaient alors toutes nouvelles et aussi de dépoussiérer un portrait qui franchissait la modernité à grands pas. Une référence de poids s’y penche : il y a un peu plus de 15 ans, paraissaient les résultats de la 1ère grande enquête sur la pratique des relations publiques au Québec. C'était en 2004 et les RP étaient à un tournant.
Percée majeure du rôle des femmes, complexification des responsabilités, portée d'influence… Une véritable mutation se dessinait à l’horizon.
Pour mieux regarder devant, il faut savoir d’où l’on vient. La SQPRP vous propose un regard actualisé sur cette étude, en ouvrant la voie sur une réflexion plus large sur les transformations actuellement en cours. Solange Tremblay était membre de cette équipe de recherche. Elle s’y penche ici.
Selon Chomsky et Herman, les médias constituent un système dont la vocation est « d’inculquer aux individus les valeurs, croyances et codes comportementaux qui les intégreront aux structures sociales au sens large. ». Ils affirment que «le pouvoir et l’argent sélectionnent les informations retenues pour la publication, marginalisent la dissidence et permettent aux messages du gouvernement et des intérêts privés dominants de toucher le public.»
Cette théorie a été publiée en 1988, soit avant l’avènement des médias sociaux. La situation qui prévalait depuis deux siècles conférait un quasi-monopole aux médias traditionnels, puisqu’il fallait beaucoup d’argent pour créer un nouveau journal ou un nouveau poste de radio ou de télévision.
Mécanismes de contrôle de l’accès aux médias
Les propriétaires des médias établis n’ont pas tendance à accorder d’espace aux idées contraires aux leurs. Ils n’interviennent pas dans le travail des journalistes, mais ils auront tendance à nommer aux postes de direction des personnes avec des idées compatibles avec les leurs.
La nature commerciale des médias et leur dépendance envers la publicité créent des contraintes indirectes pouvant influencer l’orientation de la couverture de presse. Le propriétaire du média souhaite augmenter son tirage pour offrir aux annonceurs le plus large auditoire possible, d’où la tentation perpétuelle d’offrir non pas le contenu d’information nécessaire à l’exercice éclairé des responsabilités citoyennes, mais le contenu le plus populaire.
Les pouvoirs en place orientent aussi le contenu des médias en leur offrant un flux stable et continu d’information à bas prix. La collecte et l’analyse de l’information demandent du temps et des ressources. Cela est particulièrement vrai pour le journalisme d’enquête qui est susceptible de bousculer le statu quo. Les médias, même les plus importants, ont des moyens limités qu’ils doivent déployer là où l’information est abondante : dans les parlements et les hôtels de ville, par exemple. De même, les grandes entreprises sont des sources d’information fiables, en quantité et en régularité. « Dans les faits, les grandes bureaucraties des puissants subventionnent les médias et s’y assurent un accès privilégié en réduisant les coûts des nouvelles brutes et de production de l’information ».[1]
Enfin, les médias récalcitrants peuvent aussi être rappelés à l’ordre par divers moyens de pression tels les lettres et les pétitions, les poursuites judiciaires, le boycottage publicitaire.
« L’emprise des élites sur les médias et la marginalisation des dissidents découlent si naturellement du fonctionnement même de ces filtres que les gens des médias, qui travaillent bien souvent avec intégrité et bonne foi, peuvent se convaincre qu’ils choisissent et interprètent “objectivement” les informations sur la base de valeurs strictement professionnelles. Ils sont effectivement souvent objectifs, mais à l’intérieur des limites imposées par le fonctionnement de ces filtres. Les contraintes sont si fortes, et sont si profondément inscrites dans le système, que des choix éditoriaux qui s’établiraient autrement sont difficilement imaginables. » [2]
Conséquences de la perte d’influence des médias traditionnels
Il découle de la théorie de Chomsky et Herman que si les médias ne peuvent plus jouer leur rôle de filtre qui ne laisse émerger que les idées acceptables «au pouvoir et à l’argent», des idées inacceptables pour les élites dominantes émergeront dans le débat public.
C’est exactement ce qui se produit! La perte d’influence des médias traditionnels face aux médias sociaux n’est plus à démontrer. Or, avec les médias sociaux, il n’en coûte plus rien pour diffuser ses idées à l’échelle de la planète; les filtres ne fonctionnent plus; les marginaux peuvent s’exprimer et s’ils ont du talent et qu’ils savent exploiter les insatisfactions, les frustrations et les craintes des populations, leur auditoire explose. Avec le résultat que des idées autrefois bannies du débat public s’y imposent désormais.
Un grand nombre d’idées dominantes consensuelles chez les élites politiques et économiques depuis plusieurs décennies, toutes tendances confondues, sont aujourd’hui remises en question. Donald Trump est la personnification de l’« incorrectitude » politique; le Brexit a été vu comme une hérésie marginale pendant 20 ans; la logique du libre-échange toujours plus étendu, au cœur de l’orthodoxie économique classique, est fortement contestée. Au plan social, une pratique aussi fortement consensuelle scientifiquement que la vaccination est contestée par une proportion grandissante de la population, les innombrables études scientifiques sur les ondes électromagnétiques ne font pas le poids face aux rumeurs invraisemblables sur la 5G circulant sur les réseaux sociaux et même des croyances que l’on aurait cru à jamais bannies refont surface, par exemple celle voulant que la terre soit plate. Sans les médias sociaux, aucun de ces phénomènes ne seraient sortis de la marginalité où ils vivotaient depuis toujours.
Par ailleurs, en sapant aussi bien l’audience que les budgets publicitaires des médias traditionnels, les médias sociaux entraînent une importante diminution globale du nombre de médias et de journalistes, réduisant ainsi leur capacité à accomplir leur fonction, minant le cœur même du débat démocratique et ouvrant la porte aux pires dérives, comme le résume le philosophe Jürgen Habermas :
« Lorsque la réorganisation et la réduction des coûts (dans les médias) mettent en péril les normes journalistiques habituelles, la sphère politique publique est frappée au cœur. Car sans la circulation de l'information acquise grâce à des recherches approfondies, et privée des débats stimulants fondés sur une expertise coûteuse, la communication publique perd sa vitalité discursive. Les médias publics cessent alors de résister aux tendances populistes, et ne peuvent plus remplir la fonction qui est la leur dans le cadre d'un Etat de droit démocratique. »[3]
En d’autres mots, la montée en puissance des discours populistes et l’affaiblissement continuel des médias traditionnels menace l’existence même d’un débat public rationnel. La menace est d’autant plus pernicieuse que les médias traditionnels n’ont d’autre choix que de rendre compte du discours populiste et que leurs mises au point (vérification des faits) ne semblent plus avoir d’impact sur une part importante de leur audience.
On a aussi souligné abondamment l’impact des médias sociaux sur les fractures sociales car ils permettent aux tenants d’une opinion de se parler entre eux en ne leur proposant que des contenus avec lesquels ils sont en accord, un phénomène maintenant connu comme la «chambre d’écho».
En résumé, la perte d’influence des médias traditionnels au profit des médias sociaux n’augure rien de bon pour le débat basé sur la science et les idéaux démocratiques.
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Les relationnistes au service des organisations de santé, des organismes gouvernementaux, mais aussi d’un nombre croissant d’entreprises et d’organisations de toutes natures seront appelés dans les mois et les années à venir à travailler dans des situations à très fort potentiel d’affrontement, où l’objectif désiré sera un changement de comportement.
L’exemple le plus récent est celui offert par la pandémie de COVID-19 où il est devenu vital pour la population d’apprendre très rapidement la distanciation sociale et l’importance de bien se laver les mains, de tousser dans son coude et de porter un masque dans les espaces publics intérieurs. Le contexte de peur généralisée de contracter une maladie nouvelle, inconnue et potentiellement mortelle, a facilité l’adoption de ces comportements.
Toutefois, la peur se dissipe rapidement et la suite sera plus difficile, comme l’indique la controverse actuelle entourant le port du masque et l’apparition ici d’un phénomène beaucoup plus marqué aux États-Unis : le rejet de toute contrainte, au nom de «la liberté».
Lorsqu’un vaccin sera disponible, le débat sur la vaccination sera aussi émotif que celui sur le port du voile islamique, mais beaucoup plus intense et probablement aussi virulent que le virus lui-même. Car la vaccination, pour être efficace, doit couvrir un pourcentage élevé de la population et si une proportion significative le refuse, le risque augmente pour toute la population.
Pour imager : si ma voisine choisie de porter le voile, cela peut me heurter, mais cela ne met pas en cause ma santé. Mais si elle refuse la vaccination, je me sentirai à risque. Alors que j’aurais enduré le fait qu’elle porte le voile dans un silence désapprobateur, j’aurai tendance à lui «mettre de la pression» pour qu’elle se fasse vacciner. Évidemment, l’intensité du débat sera directement proportionnelle au taux de couverture vaccinale requis pour protéger la population, encore inconnu au moment où ces lignes sont écrites
Comment gérer pareille situation? Voilà un domaine où l’on attend des relationnistes un éclairage professionnel.
Juillet 2020